Reprogrammer une culture d’entreprise défaillante

Écrit par Martin Merlino

Coach de marque (et de ceux qui la font vivre!)

06 Déc 2023

Reprogrammer une culture d’entreprise défaillante

Cet article existe sous forme de podcast. Il y a quelques années, j’ai eu le privilège d’intervenir auprès d’une centaine de managers d’un grand groupe canadien. L’atmosphère de la salle était plutôt tendue. Bien que l’intention même de cette journée ait eu pour objectif d’installer de nouveaux codes managériaux, tels que la bienveillance et la confiance, l’immense majorité du public me recevait sur la pointe des fesses, prête à se lever d’un seul homme si je dépassais le cadre rigide qui m’était imposé.

Ils ne me paraissaient d’ailleurs pas plus ouverts que ne le serait un dictateur devant un traité de paix, une bouteille de shampoing devant le crâne lustré d’un moine tibétain, ou qu’un bocal de langue de bœuf devant l’assiette d’un végane convaincu.

D’ailleurs, l’organisateur de l’événement s’affirmait l’avant-veille sur LinkedIn d’un discours acide à l’égard des coachs et autres « gourous du mieux-être » qui, selon lui, fissurent les âmes et mollifient les esprits pour mieux s’enrichir des malheurs qu’ils proposent d’atténuer. La table était mise, accueillante et fleurie.  

Mais je ne me dégonfle pas, attaquant le sujet par cette introduction que je reprends souvent dans mes ateliers et conférences: « Au cours de votre carrière, vous, comme moi, allons-nous lever plus de 10 000 fois pour nous rendre au bureau. Une grande majorité d’entre nous s’y rendra la peur au ventre parce qu’elle porte en elle les pesantes séquelles d’un traumatisme professionnel : une humiliation publique, une parole irrespectueuse, une brimade récurrente, un regard désapprobateur, une iniquité flagrante, un geste déplacé, un racisme voilé, une insidieuse pression… J’en passe et des bien pires ».

Je les invite d’ailleurs à lever la main pour savoir s’ils se sentent concernés par cette affirmation : ce qu’ils font, à l’unisson, d’un signe discret, comme pour se délivrer d’un honteux secret qu’ils croyaient être les seuls à connaître. La glace se fissure sous le poids des maux.

Je leur propose alors de réfléchir à la question suivante : « Une partie d’entre nous ne serait-elle pas responsable du syndrome post-traumatique d’un autre ? »

Bien que cette fois-ci je ne les invite pas à me confirmer cette hypothèse, 2 mains se lèvent, courageuses ; suivies de 4 autres, fébriles ; puis de 26, confessionnelles… Si les autres mains ne cèdent pas à l’impudeur du moment, je vois que certains regards sont bas… La messe est dite.

Je prends alors un moment pour que raisonne ce silence, prétextant vouloir me désaltérer… S’attendant sans doute à être absous d’un jet d’eau sacré de ma bouteille de Perrier citron, ils me sourient d’un air coupable, mais non responsable, convaincus peut-être qu’il n’y a rien là. « C’était avant », me dit l’un d’eux, l’œil espiègle.

Ironisant du pardon qu’il venait de s’offrir, il renchérit d’une affirmation libératoire : « Faute collective à demi-avouée, enjeu de société pardonné. » L’écrivain Gabriel Matzneff aurait été d’accord, mais je ne le suis pas.

Alors la conversation dérive vers l’épave immergée que la vague traumatique dévoile à chaque ressac. Elle tient dans une indiscutable affirmation : les emmerdes au boulot s’invitent dans nos humeurs personnelles. Ils intoxiquent nos enfants. Ils assombrissent nos nuits. Ils éteignent nos cœurs. Ils activent nos addictions… En résumé : un syndrome post-traumatique ne reste pas au bureau. Il a l’insidieux pouvoir de traumatiser une famille.

Je l’admets, cette introduction n’épargne personne ; surtout pas moi. Mais elle invite à l’optimisme : si un manager a le pouvoir de nuire, il a aussi le pouvoir, et la délicieuse responsabilité, de créer les conditions gagnantes du mieux-être global.

Alors, ne nous épargnons pas de ce constat qui met en lumière les conséquences tsunamiques d’une culture d’entreprise défaillante, parce que le faisant, nous éteignons le pouvoir d’un manager de créer une spirale ascendante créatrice de mieux-être professionnel, personnel comme familial. Et je l’affirme, cette intention doit être le point de départ de toute transformation d’entreprise, parce que sans elle, les talents ne sont pas disponibles.

Mais ce n’est pas simple parce qu’il ne suffit pas d’affirmer que l’on change de voie/x pour réussir. Un syndrome post-traumatique collectif ne s’éteint pas d’un coup de baguette magique.

C’est un processus conscient qui s’établit autour d’une approche séquentielle en 5 temps :

  1. Créer le cadre qui permettra de pardonner l’indicible sans mettre à risque l’entreprise de se piéger dans un processus nominatif anxiogène.
  2. Impliquer toutes les strates de l’organisation afin d’établir un nouveau contrat de confiance qui « fiertilisera » l’entreprise et ceux qui la font vivre.
  3. Injecter ce contrat dans l’expression d’une nouvelle raison d’être d’employeur afin d’en sceller l’importance.
  4. Mettre en place, équipe par équipe, des leaders-bien-veilleurs enrichis de soft skills qui font du bien. Formés, ils seront les gardiens de la démarche et s’assureront que les dérives s’estompent pour toujours…
  5. Faire de cette fierté retrouvée le 1er levier de croissance, d’attraction et de rétention de la marque.

C’est en créant des âmes fortes que l’on crée des acteurs de changement engagés, confiants et collaboratifs. Je ne vois pas de raccourcis.

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